Obsolescence revendiquée

Le temps comme matière première

Dans Design Durable, il y a d’un côté Design, qui signifie créativité, séduction et donc stimulation de l’envie d’acheter toujours plus et, de l’autre, Durable, évocateur de responsabilité sociale : autrement dit, plutôt inciter à la décroissance qu’au « toujours plus ». Design Durable aurait donc, en apparence, tout de l’oxymore. En apparence seulement car ce qui semble opposé est toujours le prétexte à de nouveaux challenges. L’industrie et la nature, le réel et le virtuel, le thermique et l’électrique ont bien réussi à inventer des incarnations de leurs réconciliations, alors, pourquoi le Design Durable n’y parviendrait-il pas à son tour ? 

C’est le défi que s’est lancé Julien Gorrias, fondateur de Carbone14.studio. Après une première création à succès, astucieusement baptisée « La chaise qui cache la forêt », qui, au fil des pluies, voit ses planches en frêne se dégrader et se séparer pour laisser germer des graines qui donneront ensuite vie à des arbres, voici à présent Torii, sa table basse éco-responsable qui, elle aussi, a plusieurs vies. Torii comporte 3 plateaux de différentes tailles et hauteurs portés par 6 pieds. Au fur et à mesure du temps, de la vie et des chocs, ses pieds vont s’user et révéler les couleurs de ses 11 sous-couches pour proposer une nouvelle esthétique. C’est cette usure, prévue dès la conception, qui rendra la table unique et lui confèrera une valeur singulière. Elle fait aujourd’hui partie des collections du Mobilier National.

Pour Julien Gorrias, la véritable matière première est le temps. D’où le choix du nom de son agence. Le temps qui bonifie les objets au lieu de les abimer. Une paire de chaussures déjà portée n’est-elle pas plus confortable ? Une montre vintage n’est-elle pas plus élégante ? Un sac d’une autre époque n’est-il pas plus désirable que ses homologues neufs qui n’ont rien connu d’autre que les emballages qui les contiennent ? En vieillissant de manière assumée, les objets ne gagnent pas seulement en âme mais aussi en responsabilité car l’impact environnemental de leurs matériaux est forcément plus faible.

La consommation responsable ne signifie pas forcément réduire sa consommation et l’éco-conception ne se résume pas à l’usage de matériaux responsables. Elle peut aussi signifier l’acceptation de l’obsolescence. Pas une obsolescence programmée qui conduit vers le jetable, mais une obsolescence revendiquée, synonyme de durable dans l’imperfection.

Sans traces

Des déchets en or

Cinquante-cinquante

Les bonnes pratiques

Les projets éco-responsables de l’agence d’Artagnan.

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