Cet été, entre deux feux de forêt et deux épisodes caniculaires, on apprenait que la Poste allait cesser de commercialiser son timbre rouge à partir de 2023. LE symbole de la Poste. Né en 1849. Celui que l’on achetait en carnets, dont on avait fini par oublier le prix depuis qu’il n’était même plus mentionné et que l’on appelait aussi timbre prioritaire (depuis 1969) en ayant ainsi le sentiment d’accéder à un privilège. Ne restera plus que le timbre vert qui, dans les faits, dominait depuis plusieurs années. Est-il d’ailleurs vraiment nécessaire que tout notre courrier soit délivré en 24 heures ? Par son existence, le timbre vert questionnait déjà la hiérarchie des urgences et venait suggérer un nouveau comportement que l’on ne qualifiait pas encore de responsable mais qui annonçait la couleur de l’avenir.
Le timbre vert s’apprête donc à régner seul. Un timbre vert sans augmentation de prix, mais en échange d’un délai rallongé d’une journée. Soit trois jours au lieu de deux. Un timbre « vert vert » en quelque sorte, qui signe la victoire définitive du slow sur le fast. En 2023, ceux qui sont (encore) pressés seront priés de suivre une procédure baptisée « e-lettre rouge » que l’on imagine bien issue d’un brainstorming disruptif : envoyer leur lettre par mail afin qu’elle soit ensuite imprimée dans un bureau de Poste proche de l’adresse du destinataire à qui elle sera remise sous forme de courrier papier, le tout en un jour ouvré… La planète est, certes, appelée à la barre pour témoigner de l’intention de limiter l’empreinte carbone associée à cette procédure, mais on ne peut s’empêcher de se souvenir qu’à une époque, il y avait des trains postaux qui, dans ce domaine, n’avaient rien à prouver…
Que retenir ? Que la qualité d’un service ne se définit plus nécessairement par sa rapidité de son exécution. Qu’un service moins performant peut aussi être un service plus responsable. Qu’accepter d’attendre est peut-être un remède contre l’inflation. Et, aussi, que faire disparaître son produit emblématique constitue sans doute l’acte de Design Durable le plus radical qui soit pour une entreprise.
