La reine d’Angleterre s’en est allée et depuis, chacun y va de son petit souvenir. Les plus anciens évoquent son couronnement retransmis pour la première fois en Mondovision, leur voyage Outre-Manche avec leur classe de sixième et le moment où ils sont passés devant le Palais de Buckingham. D’autres se remémorent les divers événements, heureux ou malheureux, people ou glorieux, qui ont jalonné le règne d’Elisabeth. Même les plus jeunes ont droit à leur part de gâteau mémoriel : la queen, ils la connaissaient bien, eux qui ont vu tous les épisodes de The Crown sur Netflix… Un mois plus tôt, les médias avaient tenté de ranimer la flamme de l’autre reine d’Angleterre, la reine du peuple, disparue dans un tunnel, mais sans trop de succès. Son image est désormais moins pure qu’il y a vingt-cinq ans. De reine, il n’est que de celle qui sait garder une image intacte au fil du temps.
La reine d’Angleterre était aussi la reine symbolique du monde entier si l’on en juge par le nombre de personnes touchées aux quatre coins de la planète. Sans doute parce qu’il n’existe aucune personnalité publique, issue du monde de la culture, du sport ou de la politique, qui soit capable de porter cette figure universelle rassurante et bienveillante. La reine d’Angleterre n’était pas seulement l’incarnation d’une tradition. Elle était une icône que tout le monde pouvait partager. Et, vu sous cet angle, pas très éloignée du statut de marque durable. Nous y voilà.
La raison d’être d’une marque n’est-elle, elle aussi, de durer (de régner ?) le plus longtemps possible ? De durer, oui, mais pas n’importe comment. En sachant rester la même au fil du temps sans jamais se couper de son royaume. Avec des devoirs davantage qu’avec des droits, ce qui oblige à une forme d’humilité aussi inattendue qu’essentielle. Et, plus fort encore, par une présence constante dans les esprits sans avoir jamais pris la parole autrement que dans un cadre protocolaire. Exister par leur seule présence : le rêve inaccessible de toutes les marques. God save the Queen.
