Le design n’est pas qu’affaire de formes. Il est désormais, aussi, et de plus en plus, affaire de matières. Soucieux d’écologie, conscients de la rareté des matériaux, les designers sont nombreux à vouloir fabriquer autrement. Une manière d’affirmer leur appartenance générationnelle et leur sens des responsabilités. Est-il encore sensé de continuer à proposer des objets dans un monde qui en déborde et où chacun s’interroge sur le sens de ses actes ? Oui, si la création devient synonyme de « faire avec l’existant » et non plus « d’ajouter à l’existant ». Voilà les rebuts, les invendus, les déchets, les beaux et les affreux, à qui il a été demandé, un jour, de quitter la scène, de venir se représenter. Qui l’aurait cru ? La roue tourne. Le réemploi et le up-cycling seront-ils le « new normal » de demain ?
Sitôt la parenthèse enchantée des JO refermée, tous les matériaux qui y ont participé se sont ainsi retrouvés dans le tambour de la circularité. A Marseille, les bâches publicitaires qui ont habillé la ville durant l’événement sont devenues des sacs, des pochettes et des trousses grâce à une collaboration avec un Esat. Une manière comme une autre de prolonger la magie des JO.
Du côté du luxe, l’idée de récupération est également présente dans les esprits. Pas un luxe low-cost, inenvisageable ici, mais un luxe différent où l’idée primerait sur les matériaux et où les défauts seraient des expressions de la beauté car, même marquée par le passage du temps, la beauté est éternelle. Hermès a été l’une des premières marques à imaginer une offre de up-cycling avec Petit H. Né en 2010, Petit H propose des objets poétiques réalisés avec les chutes de matériaux dont dispose la marque. Les innovations majeures commencent souvent comme des expérimentations, voire des élucubrations un peu arty. Plus récemment, le Ritz imaginait une collection de bijoux up-cyclés réalisée à partir de la vaisselle cassée appartenant à son légendaire service de table en porcelaine Haviland. 40 pièces (colliers, bracelets, bagues, boucles d’oreilles) façonnées à la main par l’un des six artisans de l’association La Fabrique Nomade, un atelier qui favorise l’intégration des artisans réfugiés et migrants et à qui reviendront les bénéfices. Difficile de faire plus vertueux.
Sur la Canebière ou place de la Concorde, l’enjeu de la récupération est toujours le même. Recoller les morceaux dans tous les sens du terme. Ceux des matériaux délaissés comme ceux des vies chahutées. Dans les deux cas, une invitation à changer nos regards. Car l’économie circulaire est autant affaire d’éthique que d’esthétique : une réalité à ne jamais oublier par tous ceux qui souhaitent la voir se développer et s’installer durablement dans les habitudes des nouvelles générations.